Shards est une collection de morceaux initialement composés pour différentes bandes originales de films et de séries entre 2020 et 2022. On y retrouve des bribes d’Infinity Pool, The North Water, Luzifer ou encore La Tour. Des éclats, qui, rassemblés ici, trouvent une nouvelle résonance.
À la manière d’un kintsugi — cet art japonais qui répare les céramiques brisées avec de l’or — Shards assemble ces fragments en un tout. La signature sonore de Tim Hecker, faite de nappes granuleuses, de tensions harmoniques, de dissonances subtiles et de textures incantatoires, est ce qui scelle ces morceaux épars en un ensemble.
Avec une œuvre solo couvrant plus de dix albums studio, l’approche unique de ce compositeur et musicien électronique expérimental canadien se prête parfaitement à la création de bandes originales. Par opposition à la grandiloquence des compositeurs célèbres du cinéma, dont la musique occupe toute la place, Tim Hecker fait preuve de délicatesse en servant l’image et le propos, en concevant ses ambiances sonores comme une présence hors cadre, enveloppante et nébuleuse.

À la manière d’une toile, le sound design de Tim Hecker est un support qui a l’élégance de ne pas prendre le pas sur la création qu’il sert. Il ajoute au contraire de la profondeur et de la densité en s’appuyant sur une palette primaire de synthétiseurs, d’électronique et de sonorités plus acoustiques. Abstraites plutôt que narratives, les bandes sonores de Tim Hecker viennent solliciter notre imaginaire pour voir plus loin que ce qui est montré.
Shards n’est pas un nouvel album à proprement parler, ce n’est pas non plus une compilation de faces B. Il s’agit, je crois d’une passerelle entre ce qui fut et ce qui n’est pas encore.
Mickaël Petit © Rivages Sonores
