Le duo Bicep composé de Matt McBriar et Andy Ferguson sort son deuxième album « Isles » paru le 22 janvier 2021 sur Ninja Tune, plus détaillé que son prédécesseur et développant une palette sonore encore plus large.
En quittant l’Irlande et Belfast pour la cosmopolite Londres il y a une dizaine d’années, le duo s’est soudainement retrouvé assailli de nouvelles sonorités. Dans les quartiers populaires de Londres, s’élevaient des voix hindoues, des chants bulgares ou de la pop turque. « Isles » est nourrit de cette excitation que génère la découverte de nouveaux territoires musicaux.
« Nous avons de fortes émotions mixtes, liées au fait de grandir sur une île » disent-ils, « vouloir partir, vouloir revenir ». « Isles » est, en partie, une méditation sur ces contradictions, la lutte entre l’expansivité et l’introspection, l’isolement et l’euphorie. »

Avec ses rythmiques appuyées, ses synthétiseurs rétro-futuristes et une signature sonore radicalement British, « Isles » aurait probablement pu être l’album club de l’année. Il marquera de toute évidence 2021 comme le premier album de Moderat avait marqué 2009. On se serait volontiers laissé porter par une douce hystérie, agglutinés dans un ancien hangar industriel reconverti le temps d’une nuit en temple de la musique électronique. La situation sanitaire en aura décidé autrement, nous contraignant à une écoute strictement « domestique ».
On plonge donc, casque vissé sur les oreilles, dans l’écoute de cette version deluxe 3LP [ZEN261DX] incluant 3 Face B supplémentaires (Siena, Meli et Light) avec notre salon pour dancefloor.

« Isles » débute magistralement avec ATLAS, entre la mélancolie et l’euphorie que génère l’aube naissante. Alors qu’une boucle de synthé acidulée et entêtante découpe l’espace créé par des voix éthérées, les sub-bass et le beat compriment l’ensemble, créant une ambiance plus sombre d’où semble percer la lumière. Le décor est planté, « Isles » est un condensé d’énergie et de délicatesse.
APRICOTS, est certainement notre coup de coeur de l’album mais également le titre qui incarne le mieux la rencontre des influences ethniques disparates qui font l’ADN de « Isles ». Ainsi, se répondent un sample de « Gebede-Gebede Ulendo Wasabwera », extrait d’un enregistrement réalisé en 1958 au Malawi et « Svatba » sample d’un choeur féminin Bulgare. Le tout prend corps, immergé dans de poignantes et cotonneuses nappes modulaires portées par un beat simple et efficace à la fois.
Sur REVER (Feat. Julia Kent), on retrouve ces mêmes chants traditionnels bulgares caractérisés par l’usage de la diaphonie et de la dissonance. S’en dégage une atmosphère qui n’est pas sans nous rappeler la mythique scène d’ouverture de l’animé post-apocalyptique Ghost In The Shell. Quant au travail rythmique exécuté par la violoncelliste et compositrice canadienne Julia Kent, il évoque certains beats de Burial.
Le titre SUNDIAL, s’articule autour d’un enregistrement de Roland Jupiter 6 Arp défectueux. Une boucle en a été extraite et est devenue le motif principal de ce titre d’où s’élève une voix délicate extraite de Raja Rani, film Bollywoodien de 1973.
Avec « Isles », Bicep vient très certainement de sortir une pépite, réussissant le pari d’allier énergie rythmique et subtiles nappes de synthés laissant la part belle à la voix, le tout aboutissant à un album cohérent d’un bout à l’autre.